A l’occasion du lancement du Championnat de Mathématiques et de Sciences Physiques, à l’Institut de Mathématiques et de Sciences Physiques de Dangbo, le Professeur Jeanne ZOUNDJIHEKPON, généticienne à l'UAC, s’est prêtée aux questions de la rédaction de votre journal. Sur la question des OGM, sa position a été nette.
Jeanne Zoundjihékpon : Je suis maître de Conférences en Génétique, je suis de la vielle école, j’ai fait deux doctorats, un de troisième cycle sur la génétique du manioc, l’autre sur la cytogénétique et la biologie de la reproduction des ignames africaines. Je suis d’Avrankou, mais je me dis que je suis une africaine du Bénin, donc je suis de la vallée.
Pr Jeanne ZOUNDJIHEKPON,
Dr en Génétique
Peut –on avoir une idée de votre présence ici ce matin ?
Je suis venue féliciter et soutenir mes collègues professeurs de mathématiques et de sciences physiques qui ont organisé ce championnat de mathématiques. Je suis venue aussi pour soutenir les filles qui participent à cette compétition parce que généralement, quand j’entends parler de miss, j’éteins automatiquement ma télévision. Parce qu’une fille, c’est aussi comme un garçon, et on n’a pas besoin de s’exhiber pour sa beauté. Quand j’ai entendu Miss Mathématiques et Sciences Physiques, je dis, Ah, ça, c’est quelque chose à soutenir. Troisièmement, c’est aussi, parce que je suis généticienne. En génétique, on utilise la probabilité, les statistiques, et ça c’est lié aux mathématiques. Donc , c’est pour encourager les filles à continuer en mathématiques, en Physiques et leur dire qu’il peut y avoir des liens entre les mathématiques et la génétique, de ne pas oublier ça.
Après les avoir vues à l’œuvre, quels sentiments vous animent ?
C’est un sentiment d’espoir, et de fierté, parce que les initiateurs de ce championnat, ils pensent que c’est seulement faire du bien aux mathématiques et sciences physiques, mais voilà que moi, généticienne, je trouve aussi mon compte.
Nous vous avons entendu dire tout à l’heure que les statistiques par rapport à la gente féminine dans les domaines scientifiques ne sont pas reluisantes.
Oui, quand on prend les effectifs uniquement à l’Université d’Abomey-Calavi, tout simplement, en Maths, en Physiques, en Génétique, il n’y a pas beaucoup de filles. C’est pourquoi les initiatives comme celle-ci, sont des initiatives à soutenir.
Revenons maintenant à votre domaine, la génétique. On entend souvent parler des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM). Quelle est votre position en tant que Béninoise sur le sujet ?
Ma position est connue. En tant que Béninoise, en tant qu’Africaine, généticienne, ma position est nette depuis toujours et encore aujourd’hui. Je suis foncièrement contre les OGM. Parce que quand nous prenons les ressources génétiques, c'est-à-dire les plantes, les animaux, les micro-organismes de chez nous, ces ressources génétiques sont aujourd’hui menacées par l’introduction des OGM. Parce qu’ici au Bénin, et en Afrique de l’Ouest, nous sommes dans la zone d’origine des ignames par exemple. Ça veut dire que la plus grande diversité d’ignames est chez nous, en Afrique. Et si on introduit les OGM, ça veut dire qu’on va polluer cette diversité génétique avec le temps. Et si après on a besoin de trouver de nouveaux gênes, où va-t-on les trouver, quand c’est pollué par les trans- gênes? Le deuxième point, c’est que le Bénin, tout comme l’Afrique, nous sommes des pays où l’agriculture est dominante. Selon les pays, parfois on a 60%, parfois 70 %, 75 %, de la population nationale qui vit de l’agriculture. Ça veut dire quoi, ça veut dire que les semences que les gens utilisent sont des semences qui sont échangées entre les agriculteurs et à bas coût sur le marché. Mais avec les OGM, ces semences vont augmenter de prix. Et, là, les agriculteurs, les paysans vont dépendre des multinationales qui vont fabriquer les OGM. Je pense que ce n’est pas un avenir reluisant pour nos agriculteurs. Pour toutes ces raisons, moi, je dis Non aux OGM.
Nous entendons parler aujourd’hui des plans de palmiers sélectionnés Et cela passionne tout le monde. Est-ce que ça vous fait peur ?
Ah, ça me fait très peur. Et c’est une très bonne question, parce qu’au moment où je vous donne cette interview, je suis en train d’écrire avec mes collègues de « Grains », en Afrique du Sud et au Canada, un rapport là-dessus. Donc je ne vous réponds pas maintenant.
Mais avant, un appel à l’en droit des gouvernants béninois. Parce qu’en tant qu’Etat indépendant, nous avons la possibilité de refuser les OGM, à mon avis.
Tout à fait, vous avez parfaitement raison. Et l’appel que moi j’ai à lancer au gouvernement béninois, c’est que depuis Mars 2013, le Bénin, est dans un vide juridique. Par ce que notre moratoire a pris fin, et le gouvernement ne dit rien. Donc, moi, je demande au gouvernement de nous dire sa position officielle. C’est vrai, je suis citoyenne africaine du Bénin. L’année dernière, comme cette année, nous avons vu notre gouvernement, et notre ministre de l’environnement lancer le rapport d’un institut international qui fait la promotion des OGM. Ça veut dire qu’ils sont en train de donner le signal qu’ils vont vers les OGM. Et là, ils n’ont qu’à nous dire la vérité. Et, le deuxième appel, j’invite le gouvernement à soutenir ce championnat Miss Mathématiques et Sciences Physiques. C’est une excellente initiative pour tout le pays.
Propos recueillis par René Kpanoukpè